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Lettre de Jack Lang à François Hollande
Rendue publique le 21 août 2006 sur le site internet de Jack Lang - Mise en cause de François Rebsamen, maire de Dijon, Bourgogne, France



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Lettre de Jack Lang à François Hollande


Paris, le 21 août 2006

Cher François,

Les propos surprenants du n°2 du Parti Socialiste, François Rebsamen, au sujet des candidats à la candidature à l'élection présidentielle mettent gravement en cause le contrat moral de la majorité du Mans et surtout l'esprit même de notre parti.

Deux questions méritent d'être clairement posées.

La première est la suivante : quelle est la légitimité de celui qui profère une telle fatwa à l'égard de camarades ? Si avec un certain nombre de hauts responsables du Parti Socialiste comme Martine Aubry, Bertrand Delanoë ou Dominique Strauss-Kahn et beaucoup d'autres, nous ne nous étions pas battus corps et âme pour notre victoire commune au Congrès du Mans ou si chacun d'entre nous avait présenté sa propre motion, la configuration de la majorité eût été tout autre et François Rebsamen dont j’apprécie les grandes qualités n'aurait peut être pas été en situation d’être porté à la fonction de n°2. Sa responsabilité actuelle lui impose donc des devoirs particuliers vis-à-vis de l'ensemble des camarades qui ont construit cette alliance et qui ont contribué à notre succès. La direction du Parti Socialiste n'est pas la propriété de tel ou tel d'entre nous. Elle est une équipe. Ou alors que l'on proclame que cette majorité du Mans a cessé d'être.

La deuxième question qui se pose est celle de la nature même de notre mouvement. La fatwa renouvelée par François Rebsamen à l'égard des camarades candidats tourne le dos à notre culture socialistes et à nos valeurs communes.

Elle porte d'abord atteinte au respect mutuel que se doivent les militants de notre formation. Le mépris est contraire à notre éthique. Comment faire croire à nos concitoyens qu'ils seront demain mieux respectés par la gauche si nous donnons entre nous un exemple aussi navrant du non-respect de la dignité des uns et des autres.

Quand ils exerçaient les fonctions de Premier secrétaire, François Mitterrand et Lionel Jospin n'auraient jamais accepté que des camarades soient traités avec une telle désinvolture.

Nous ne sommes pas des toutous auxquels sur un coup de sifflet l'ont pourrait intimer l'ordre de rentrer au chenil. L’injonction caporaliste n’est pas nécessairement la meilleure méthode pour favoriser le nécessaire rassemblement des socialistes.

Je voudrais ajouter une autre considération qui n'est pas la moins importante. Si demain nous décidions de faire bloc autour d'un candidat ou d'un autre, ce ne peut être en fonction des pressions médiatiques ou de sondages prédictifs, le plus souvent déjoués par les circonstances. Ce serait en raison de sa capacité à rassembler la gauche et à gouverner le pays.

Bénéficiant depuis longtemps de la confiance populaire et récemment encore d'un sondage positif de l'Ifop me donnant gagnant contre Nicolas Sarkozy auprès des jeunes de 18 à 25 ans à 70% contre 30%, je peux aisément affirmer que la valeur de Ségolène ne résulte pas des sondages du moment mais de ses qualités propres : son expérience, son intelligence, sa créativité. Serait-elle minoritaire dans l'opinion qu'elle mériterait la même considération.

J'ai rejoint l'équipe de François Mitterrand en 1978 au moment où il était au plus bas dans les sondages et abandonné par beaucoup. Une seule considération l'emportait dans mon esprit. Il était un homme d'envergure incarnant avec puissance l'idéologie progressiste qui plaçait l'éthique de conviction au-dessus de la théologie de l'opinion.

Le courage est la première vertu d'un homme de gauche qui conduit parfois à braver l'impopularité apparente d'une décision.

Au-delà de considérations circonstancielles, la question posée est celle de la nature même de notre mouvement et de ses valeurs. Il est le fruit d'une histoire, d'une culture, d'une mémoire, d'un patrimoine commun. L'autorité morale de notre parti a été forgée par les combats menés par l'ensemble de nos dirigeants et de nos militants. Nul n'en est le dépositaire unique. Chacun d'entre nous, par son œuvre, son action, ses engagements, a contribué à donner à notre parti la force et le rayonnement sans lesquels l'espérance de victoire en 2007 serait nulle. Nous sommes tous porteurs d'une aventure collective. Dès lors que les règles de vie en commun ne sont plus respectées, je me demande si nos raisons de travailler ensemble dans la même maison n'ont pas été altérées. C'est l'avenir de notre formation qui est ici en cause. Dans l'immédiat, c'est la procédure même du choix de notre candidat qui peut être entaché de suspicion.

Je résumerai ma pensée par un seul mot : oui au rassemblement, non à l'assujettissement à un quelconque diktat.

Au nom du combat commun que nous menons ensemble depuis quatre ans, sans ménager notre temps, notre énergie et notre dévouement, je te demande de rétablir au plus vite un climat de respect mutuel. Et de mettre un terme à ces disfonctionnements s'il en est encore temps.

Bien à toi,

Jack Lang


Source : http://www.jacklang.net/


Autres liens :


Nicolas Sarkozy, Ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire



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